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Mon témoignage lors de la 11ème journée d’étude de la Clinique Bohler. Je me suis surprise moi même!
Moments intime : entre pudeur, sexualité et féminite
Bien au contraire de ces véritables experts des conférences et des podiums, ceci est pour moi une première et j’avoue je suis nerveuse. Et donc j’ai préparé mon discours sur papier.
Tout d’abord je voudrais remercier Dr Kieffer et Europa Donna Luxembourg dont je suis membre actif de m’avoir invité à cette journée d’étude. C’est un privilège pour moi et en quelque sorte aussi un geste de remerciement auprès de la clinique Bohler de pouvoir partager mon témoignage avec vous. Merci.
Permettez-moi de me présenter en quelques phrases afin que vous puissiez mettre mieux mon témoignage dans le contexte de cette conférence.
Je m’appelle Daniela et j’ai 40 ans. Divorcée depuis 3 ans, sans enfants. Je suis née en Allemagne de l’est ou j’ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans, toute ma famille habitent encore là-bas. Mon parcours professionnel m’a fait passer par plusieurs villes en Allemagne, puis par Paris pour arriver ici. J’ai toujours su me débrouiller, m’adapter et de m’en sortir pour revenir encore plus fort après des passages difficiles.
Surtout les dernières 5 années de ma vie étaient marquées de grands changements, des grands challenges sur le plan affectif et émotionnel.
A la mi- trentaine après 2 ans de mariage je constate que mon mari devient plus en plus distant, les moments intimes devient de plus en plus rare jusqu’à la quasi inexistence de rapports sexuels. Seulement plus tard je vais comprendre qu’il essayé à tout prix d’éviter une grossesse. Pas de rapport, pas de bébé. Frustrée, déçue, malheureuse, non-désirée je dois faire face à la réalité qu’il n’y a plus d’avenir ensemble. L’effondrement total bien physique mais aussi psychologique car du jour au lendemain tous mes visions et plans de fonder une famille et d’être maman ont été détruites.
Mon désir d’enfant est plus grand que l’amour pour mon mari. La décision dure à prendre c’est de m’en aller et recommencer à zéro, les explications aux amis et à la famille du pourquoi du comment. Je me suis sentie coupable.
Et puis quelque mois plus tard, à peine remise du divorce, le diagnostic terrible : cancer du sein. A l’âge de 37 ans.
Opération à la Clinique Bohler à Luxembourg par mon gynécologue, préservation de ma fertilité au CRG à Bruxelles, 21 ovocytes congelés, un nouvel espoir. 6 mois de chimio et 6 semaines de radio à Trèves. Ma vie n’est plus comme avant.
Je décide de communiquer très offensive sur ce qui m’est arrivé pour mieux comprendre et pour accepter. Pour rassurer mon entourage et pour m’encourager je commence à écrire un blog, je le nomme « Mein Leben En Rose ». Je poste des articles sur les sujets qui me tiennent à cœur, sur des sujets qui peuvent choquer, sur des tabous. Et des photos de mon combat. J’ai constaté pour moi que ceci me libère peu à peu des peurs et des traumatismes, des colères et des chagrins.
Alors quand on m’approche il y a quelques semaines avec la question si je serais prête à participer à cette table ronde je me suis dit, pourquoi pas. Et pourtant j’ai horreur de parler en public.
Quand je me suis préparé à ce témoignage j’ai d’abord essayé de définir pour moi-même les mots INTIMITÉ, PUDEUR, SEXUALITÉ, FÉMINITÉ – pas forcément évident.
Que de plus intime que notre propre corps ?
Bien femme ou homme, nous avons tous une relation particulière par rapport à notre présence physique.
Notre sexe nous est défini le moment de notre conception, un xx ou un xy fait toute la différence et détermine toute une vie. Notre façon de vivre en étant femme ou homme, de soigner notre corps et notre niveau de pudeur se développe dès notre enfance. Elle est liée à notre éducation, notre religion, notre culture. Mais aussi à la confiance et l’estime qu’on a envers soi-même.
Mes grands-parents allaient au sauna tous les samedis et ils me prenaient avec, j’avais 5 ans. Voir une personne nue est donc une chose absolument naturelle pour moi. En revanche je me sens mal à l’aise si par exemple sur mon lieu de travail quelqu’un se mets en tenue beaucoup trop sexy pour aller bosser. Est-il vraiment nécessaire de s’habiller en mini-jupe et grand décolleté pour mettre en valeur sa féminité ?
Je me rappelle toujours le moment de la terrible nouvelle des résultats positifs de la biopsie. 4 questions dans ma tête avant le grand black-out : Comment le dire à ma mère ? Est-ce que je vais perdre mes cheveux ? Est-ce que je peux encore avoir des enfants après ? Vais-je garder mon sein ? Mère, cheveux, enfants, sein … tous les 4 liés à la féminité.
Dans les semaines et mois des thérapies et de la convalescence, j’ai souvent admiré la patience et la gentillesse de mes médecines et infirmières. Mon bras plein de bleus des piqures, les cicatrices douloureuses, mon moral parfois vers zéro, ils ont su faire un travail en douceur, avec beaucoup de délicatesse et un sourire. Et pourtant leur rythme de tous les jours était loin d’être facile. Voir autant de gens signés par une maladie ou par la douleur, certaines en phase de fin de vie qui ne sont plus capable de faire la moindre geste sans aide, les voir perdre leur dignité. J’ai développé un très grand respect et une énorme gratitude envers ces professionnels de santé.
Quant à la sexualité, j’avais perdu tout envie et désir de partager des moments d’intimité avec quelqu’un. Sans cheveux, avec des cicatrices et un corps gonflé par la cortisone et les médicaments cytostatiques je sentais un gène de me montrer.
Me mettre pendant des semaines tous les jours tors nus sous cet appareil de radiothérapie, voir la peau de mon sein devenir de plus en plus rouge et irritée, j’ai commencé d’être très inquiétée. Mise en ménopause par la chimiothérapie je suis passée par tous les effets que ceci impliques. Même si je n’avais pas un partenaire à l’époque, je me suis quand même posé la question comment ma sexualité sera après tout ce traitement. Est-ce que je vais récupérer la même sensibilité comme avant ? Est-ce que je peux ressentir un envie avec cette fatigue terrible ?
Aujourd’hui, 3 ans après le diagnostic, je peux vous dire que je suis une femme plus épanouie qu’avant, je respecte mon corps beaucoup plus qu’avant, je prends soin de moi. J’ai retrouvé une vie intime bien équilibrée et plaisante, satisfaisante et créative – pour faire un clin d’œil au Dr Waynberg).
Je n’ai pas honte de mes cicatrices, je les porte avec fierté.